Je suis là, debout, anéantie, devant ce corps sans vie…
Mes proches et mes amis me soutiennent, mais c’est une indicible douleur qui m’emplit et m’envahit devant ce corps sans vie !
Je suis là, debout, anéantie, par la révolte et la colère, par la peur et le flot de mes pleurs, par le refus et l’incrédulité…
Je suis là, debout, anéantie, aux pieds de ce corps sans vie… Ce n’est pas vrai, ce n’est pas possible, cela ne peut pas être vrai ! Mes sens m’abusent, mes yeux, mes oreilles ne voient ni n’entendent cette réalité impossible, cette cruelle évidence qui n’admet nul retour en arrière.
Je suis là, debout, anéantie, aux pieds de ce corps sans vie… Je refuse cette croix, je rejette ce fardeau bien trop lourd à porter, j’exècre cette évidence, je ne veux pas boire la lie de ce calice ; je ne peux pas vivre encore maintenant, comme avant !
Je suis là, debout, anéantie, face à ce corps sans vie… dont Tu m’avais confié le soin, à qui Tu m’avais chargée de transmettre Ta vie, et pour qui j’avais dit « Oui ».
Je suis là, debout, anéantie, face à ce corps sans vie… fruit de mes entrailles et de Ton amour, pétri de ma chair par Ta grâce. Ce tout-petit, accueilli, chéri et qui, de sa vie, a empli mes jours et mes nuits. Lui sur qui j’ai veillé. Lui que j’ai aimé de cet amour qui fait grandir. Lui que j’ai élevé comme Ton fils, comme un trésor dont j’avais la garde mais aucune propriété. Lui que j’ai attendu, bercé, lavé ; lui que j’ai pansé, réconforté, accompagné ; lui que j’ai encouragé, cherché et recherché, réprimandé, ou consolé. Lui que j’ai éduqué pour que sa vie soit conforme à Ton projet, et puis laissé partir sur Tes chemins…
Et me voilà, debout, anéantie, aux pieds de ce corps sans vie…transpercée par le glaive de Syméon ! Mon cœur, bondissant pour ce « Oui », à présent explose et se cogne follement à la paroi qui l’oppresse, cette cage de mes limites, jusqu’à me battre la tête. Mon sein, nourricier des premiers heurs, saigne d’un trop de malheur et d’incompréhension. Mes entrailles, nid douillet des aurores, se déchirent de cette mort bien trop avant le crépuscule…
Je suis là, debout, anéantie, aux pieds de ce corps sans vie…
Pourquoi ? … Cela n’a pas de sens !...
En lui arrachant la vie, c’est tout un pan de la mienne qui s’enfuit, qui s’écroule avec fracas, sans bruit. Je voudrais hurler ma peine, je gémis. Je voudrais exploser ma fureur, m’envoler de colère, c’est à peine si je frémis pétrifiée de douleur et de froid, d’incertitude et d’hébétude… POURQUOI ?
Cela n’a pas de sens !... Ton projet sur lui, sans lui, est caduc ; mort en quoi peut-il servir Ton dessein pour ses frères ?
Je suis là, debout, anéantie, devant ce corps sans vie… Je maudis la violence des hommes qui me l’a ravi, je pleure tout ce que je ne lui ai pas dit. Je doute même de ma propre vie, ainsi !
Mais devant cette inhumanité absurde, déshabitée, je sais vouloir croire, espérer que Ta sagesse qui me paraît folie aujourd’hui aura raison de la raison qui m’anéantit, et que, debout, je vais continuer sur ce chemin de vie.
Je porte en moi, avec cette croix, toutes les mères de ce présent et de tous les temps qui ont supporté le fardeau de porter en terre la chair de leur chair ; et de leur douleur je suis solidaire. Au cœur de leur ire irrépressible, je voudrais leur dire d’aimer, de continuer à aimer… même sous le poids inhumain de leur propre croix. Et qu’à leurs côtés, je suis là, femme, mère et éplorée ; mais sereinement confiante en Toi, mon Dieu.
Dominique
L'anagramme de MARIE c'est AIMER !
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