40 jours au désert… Non pas poussés par l’Esprit, mais confinés à cause d’un virus jusqu’alors inconnu qui menace toute l’humanité. Confinés, isolés, contraints à vivre avec nous-mêmes en vase clos ; presque totalement coupés physiquement du monde extérieur, en proie à l’immensité de notre monde intérieur et ainsi confrontés à la résurgence inéluctable de tous nos penchants, nous vivons l’expérience du désert… au cœur de ce monde « tout-communicant » ! Un paradoxe inimaginable tant tout était programmé, prévu, anticipé, réglé comme du papier à musique. Il n’y a pas que les voies du Seigneur qui soient impénétrables, le virus a lui aussi quelque ingéniosité, et même il peut sembler « malin »... Nous y voilà ! Au cœur du problème, face à nos propres tentations : - Révoltés, il y a de quoi ! En colère contre cette épidémie venue d’ailleurs que nous n’avons ni cherchée, ni provoquée. Ulcérés de devoir obéir à des règles communautaires injustes qui nous privent de voir ceux que l’on aime, qui nous imposent de ne pas vaquer à nos occupations habituelles et qui malmènent tous nos projets les plus chers au point de les repousser sine die, voire de les annuler. C’est inique et cela nous incline à la vindicte. Tentation bien naturelle ! - Repliés sur nous-mêmes ; c’est la consigne ! Enclins à n’écouter que notre dolence, et nous complaire dans un farniente initialement agréable, mais rapidement délétère s’il confine à la paresse, au ramollissement de nos activités et de nos pensées. Complaisants à nous-mêmes, la tentation serait de nous laisser vivre plutôt que de prendre les choses en mains. Là encore rien de plus normal à la longue ! - Désabusés et fatalistes : il y aurait comme un parfum d’apparente sérénité qui ne serait qu’abandon et désertion. Même l’inexorabilité de la progression épidémique ne saurait en être la justification… Lorsque rien n’est certain, tout reste possible ! La tentation d’une démission par lassitude est comme « le ver dans le fruit », insidieuse et patiente, elle nous guette dès que nous baissons la garde. - Egocentrés et enclins à ne nous préoccuper que de la sauvegarde de notre microcosme… Rien de surprenant ! Notre égoïsme naturel, individuel ou familial, a beau-jeu de se parer des atours de l’instinct de survie pour nous inciter à un non-respect des consignes, des règles de sécurité ou de prudence protectrice d’autrui. La tentation du « Chacun pour soi » est vicieuse dès lors qu’elle prétend se justifier d’un « Au nom des miens » pseudo-altruiste. Notre pauvre humanité y est facilement disposée… ! - … La liste des embûches sur ce chemin au désert, qui pourrait bien durer plus de quarante jours, mais certainement pas quarante ans, est longue, variée et pleine d’incertitudes… Las ! N’en rajoutons pas ! Le propre de l’évolution c’est l’adaptation permanente. Et ne sommes-nous pas le « fleuron » de cette évolution ? Ce n’est tout de même pas un petit virus qui va réussir à faire dégringoler tout l’édifice multimillénaire ! Même si, c’est vrai, des pans entiers de notre construction de la maison commune seront, à n’en pas douter, à reconstruire différemment. Alors mettons-nous à l’œuvre, vigilants vis-à-vis de nos propres travers, mais instruits de l’expérience et disponibles au renouveau… Et cette fois-ci « poussés par l’Esprit » ! L’absence et le manque vont creuser en nous le sillon du désir, jusqu’à mettre en lumière les vrais besoins de nos cœurs. Cultivons ces envies, arrosons nos sécheresses, déracinons nos peurs et nos refus pour que l’humus dont nous sommes pétris devienne la bonne terre arable où la semence donne du fruit à foison. Oui, que ce chemin de désert, de disette sociale et de pénurie de relations, soit un véritable « Carême », l’occasion de prendre du temps pour nous, un peu de recul sur nous et sur notre humanité. De poser un regard bienveillant mais rigoureux sur ce que nous sommes devenus, sur là d’où l’on vient et sur comment nous en sommes parvenus à ce que nous vivons actuellement. Pas un regard censeur et accusateur ! Non, un regard serein d’analyse pour décider en conséquence de demain : de ce que nous voulons ; de comment nous le voulons et de pourquoi nous le voulons. Un regard de confiance et de foi en l’avenir qui ne dépend que de nous. Un regard d’espérance vers ce monde meilleur auquel chacun aspire et qui, pour nous Chrétiens, se nomme « Royaume de Dieu ». Un Royaume entrevu et déjà proche de nous auquel il nous est demandé de contribuer chacun personnellement à la mesure de nos talents, en risquant notre « Moi » au service du « Tout-Autre », de tous les autres… Nos frères en héritage ! Alors oui, je forme le vœu que ce désert qui nous confine et recèle des tentations de toutes sortes, soit le chemin vers une humanité plus humaine et plus humaniste, vers une société plus sociale et plus sociable, vers une Église plus universelle et plus accueillante, et vers un monde renouvelé de l’intérieur, du cœur de l’homme. Cela ne dépend que de nous … TOUS !
Dominique
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